Philippe Fouchard - Photographe
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TREMBLEMENT DE TERRE - Île de Nias - Île de Sumatra - Indonésie

.Le tremblement de terre de Pulau Nias – Ile de Nias – en Indonésie, du 28 mars 2005, ne doit pas être oublié si vite. Dans le monde une catastrophe en remplace une autre, c’est dommageable pour des milliers de gens qui attendent l’aide promise, y compris du gouvernement indonésien.
Nias est une île semblable à Bali en superficie qui se situe à l’ouest de Sumatra. Les plages magnifiques et un « break » de surf en font une destination exotique. Tebuk Lagundri fait partie du circuit professionnel mondial de surf. Malgré tout, cette île ne possède pas les infrastructures qu’à sut développer Bali pour le tourisme.
De bon matin, plein de chaleur et de pollution à Jakarta, montant dans un taxi, je n’imagine pas l’endroit à immortaliser sur mes pellicules.
J’atteris à Medan, deux millions d’habitants et troisième ville d’Indonésie. Dans le « bahasa indonesia » - langue indonésienne – Medan signifie champ de bataille. La terre a tremblé ici, mais il me faudra attendre pour visualiser un véritable champ de bataille.
Je me présente à l’aéroport militaire de Polonia et entre après les formalités obligatoires : photocopies nombreuses de mon passeport et de ma (fausse) carte de presse. Celle-ci date du temps où je travaillais pour un magazine économique et que le pdg de l’époque en distribuait à tour de bras à ses amis.
Un hélicoptère de l’armée singapour atterrit, coupe le moteur des hélices et la porte arrière s’ouvre. Des blessés sur brancards sont portés par les militaires indonésiens. La chaleur sur le tarmac est insupportable, plus de 40 degrés. Les ambulances toutes sirènes hurlantes foncent. On dépose deux brancards sous un hangar. Un médecin volontaire d’une O.N.G. – organisation non gouvernementale – parle à un blessé, lui administre un calmant, tout en déposant la perfusion sur une chaise surélevée de cartons d’eau.. Une désorganisation totale règne. Chargé de médicaments, l’hélicoptère redécolle aussitôt.
Une petite fille se relève précipitamment de son brancard. Elle crie « ibu, ibu » - maman, maman -. Une soeur catholique lui tient la main. « Apa kabar ? » - Comment vas-tu ? -. Cette jolie petite tronche me répond, « Baik » - Bien -. Je bouscule mes confrères et je shoote pour garder en moi cet instant.
Je ne possède pas le temps nécessaire pour m’imprégner de cette vie, à mon habitude. Mon « ojek » - moto qui prends des passagers – m’amène au terminal de bus.
Après une nuit, traversant la magnifique région du Danau Toba, j’arrive à Sibolga, petit port sur la côte ouest de Sumatra. C’est le point de départ des bateaux pour Pulau Nias. Direction l’hôpital. Le médecin en chef m’accompagne aux urgences. Un homme, le visage triste, lit un journal local en jetant un oeil discret sur son ami qui somnole.
Elvira, prénom de la petite fille qui se tord de douleur sur son lit, est blessée à la jambe. Elle me fixe, aucuns mots ne sort de sa bouche malgré les quelques paroles réconfortantes que je lui lance. Je termine par un banal : « I will miss you »- Je penserai à toi – en lui serrant très fort la main. Elle ne répond pas et se retourne pour ne plus me voir. Elle veut rester dans sa solitude et sa souffrance.
Proche de l’hôpital, un homme rit de tout son coeur, en enfonçant ses clous dorés dans une belle boîte peinte... un cercueil. Il travaille jour et nuit avec ses garçons pour expédier à Nias des dizaines de cercueils.
Je hèle un « bajaj » - pousse-pousse local – qui me transporte au port. Sur le chemin, rien ne laisse entrevoir qu’à 125 kilomètres, un tremblement de terre a eu lieu quelques jours auparavant, avec 8,7 d’amplitude sur l’échelle de Richter. Encore aujourd’hui les chiffres du nombre de morts est contradictoire, entre 620 et 1 300. La marge est énorme. On dégage toujours des cadavres à Gunung Sitoli, ville principale située sur la côte nord-est de l’île, avec ses 27 000 habitants d’avant la catastrophe.
Après une bousculade, j’empoche mon ticket du bateau qui partira dans la soirée. Un camion chargé de cercueils, klaxonne pour se frayer un passage.
L’unique rue, du poste de police à l’embarcadère, est encombrée de tout ce que nous pouvons imaginer : des « bajaj » croulant sous les bagages, des camions chargés de sacs de riz, l’alimentation de première nécessité en Indonésie. Une pelleteuse, aux allures d’escargot, défonce au passage une grille d’une maison. Des gens à pied portant des balluchons sur leurs têtes et des valises à la main, arrivent du ferry de Teluk Delam, principale bourgade du sud de Nias. Les yeux dans le vide, ils marchent sans savoir où aller. Ils veulent simplement oublier ces moments terribles vécus et, pour certains, se refaire une vie nouvelle. Traumatisé, l’un d’eux me fait comprendre qu’il ne reverra jamais sa terre natale.
Le bateau en bois est bondé. Des chinois indonésiens en viennent aux mains pour s’attribuer une couche dans la cale, entre les sacs de riz et les bagages. Le bateau part avec beaucoup de retard. On l’a chargé de nourriture, de médicaments et les cercueils, en plus des passagers. Une femme d’Aceh, professeur d’anglais dans un collège de Medan, me parle de sa famille. N’ayant pas de nouvelles, les communications quasi inexistantes, a décidé de rejoindre Nias par la route et la mer. L’aéroport de Nias détruit, son voyage est pénible. Je lis sur son visage la fatigue et l’anxiété. Ce bateau n’aspire pas à une croisière touristique dans les lagons bleus d’Indonésie.
L’approche au petit matin, en vue de l’île, apporte un silence pesant sur le pont. Dans la cale, les têtes dépassent des hublots, trappes de bois sans verre. Les regards sont fixés sur l’horizon. Des larmes coulent comme les gouttes de rosée sur une feuille de palmier.
Je débarque dans un brouhaha indescriptible. Négociant un « ojej » - motocyclistes transportant des passagers -, les prix ayant flambés, nous partons sur le lieu même de la catastrophe. Je pose ma main sur son épaule, signe en guise de s’arrêter car mon guide du moment ne bafouille que quelques mots d’anglais. Je grimpe sur le toit d’une maison en ruine.
Une équipe de secours de Singapour s’arrête net, enlèvent leurs masques de protection et appelle les Indonésiens qui attendent patiemment avec leurs sacs jaunes en plastique et fermeture éclair. Ils finiront le travail. Quatre corps couleur verte, devenant noirs avec les mouches, viennent d’être découvert. Un gamin suffoque et se sauve en courant pour retrouver ses esprits. Il reviendra. Son travail doit continuer.
L’odeur m’insupporte malgré le masque chirurgical que je porte, qu’une équipe distribue dans la rue continuellement. Cette odeur de la mort s’imprègne sur mes habits, sur ma peau, partout dans mon corps. Au milieu des décombres, je rêve un instant de « mandi » - douche – qui me fait défaut depuis maintenant deux jours.
Un homme, soutenu par une équipe australienne d’aide psychologique, pleure à chaudes larmes, sa tête posée sur l’épaule de l’un d’eux. C’est une victime de plus parmi tant d’autres drames.
J’apostrophe un jeune homme : « Masalah besar » - grand problème -. Il me répond en tendant la main : « Makan » - manger -. Il ne veut pas une cigarette ou une pièce de monnaie. Il souhaite le vitale de l’être humain, manger.
« Jalan Jalan » - marcher – pour ressentir cette ambiance désastreuse. Les planches de bois des « Warung » - petites échoppes – ne sont pas retirées. Ils restent tristement fermés. Ce lieu de vie Indonésien a disparu.
J’entre dans un camp de réfugiés improvisé pour la circonstance devant une mosquée. Des enfants accourent en me criant « Hello Mister », ces deux mots d’anglais maintes fois entendus, appris à l’école ou dans la rue. Je rencontre une jolie femme, assise sur un tapis. Sa fillette a le sourire aux lèvres. Elle me parle avec des trémolos dans la voix, tout en serrant la main de son enfant. A présent, elle portera l’amour maternelle sur elle, sa deuxième fille est morte, écrasée dans l’école de son village.
Retour sur le continent. Le départ du ferry s’effectue dans la douleur. C’est une exode, « Ekxodus » pour les Indonésiens de l’île. Des centaines de personnes accourent avec des ballots plein d’habits et de choses précieuses amassées pendant de longues années : pendules, boîtes et sceaux en plastique, plantes en pots, jouets... Des poulets sont attachés dans des cartons, on se croirait dans une basse-cour. Les bébés sont accrochés aux sarongs de leurs mères. Une femme sort son sein pour son enfant qui a faim.
Sur l’île, la nourriture et l’eau se font rares. Le peu à vendre coûte excessivement cher. Le profit des marchands du temple, sur l’embarcadère, augmentera sensiblement.
Le pont arrière se ferme et c’est la panique totale. Des gens sautent dans le ferry. Les quelques militaires présents ne bronchent pas et les aident à grimper dans la cale, malgré les hurlements du capitaine dans son porte-voix. Le ferry avance lentement sur cette mer d’huile avec un soleil rouge sur la ligne d’horizon. Le trajet durera douze heures.
Quand je rentre à Medan, je somnole, fatigué. Est-je fait un mauvais rêve ? Les images, qui défilent comme un film-catastrophe sont bien réelles. Tout laisse à penser, dixit les sismologues, que la faille continuera vers Mentawai, les îles plus au sud en face de Padang à Sumatra Ouest.
La terre tremblera t’elle à nouveau ? « Mudah-Mudahan » - Espoir-Espérons – dans un temps lointain.
Texte de Philippe FOUCHARD